Je suis vieux.
Mais je ne suis pas terminé.
Je suis hors ligne, pas hors jeu.
Le monde veut que je me taise,
que je cède la place,
que je parle doucement,
que je consomme avec modération
et que je meure sans déranger.
Je ne lui ferai pas ce plaisir.

Je ne suis pas une époque qui s’éloigne.
Je suis une présence qui s’épaissit.
Je ne suis pas l’arrière-plan du progrès.
Je suis la mémoire active du sens.
Je ne suis pas une leçon,
ni une relique,
ni un « sage »,
ni un modèle.
Je suis libre.
Et je vais vieillir à ma manière.

Je n’ai plus à prouver.
Je n’ai plus à plaire.
Je n’ai plus à rentrer dans des cases jeunes.
Je n’ai plus le temps de faire semblant.
Et, justement :
Ce temps qui reste, je vais le brûler avec conscience.

Je veux rire avec les dents qui me restent,
aimer avec la peau que j’ai,
créer avec ce qui ne tremble pas encore,
et transmettre sans demander l’autorisation d’exister.

Je ne serai pas poli.
Je ne serai pas discret.
Je ne serai pas “un bel âge”.
Je serai un âge insoumis.
Un âge debout.
Un âge qui écrit encore.
Un âge qui dit merde au silence.

Je vieillis, oui.
Mais je ne me rends pas.
Je suis un vieil homme en pleine souveraineté.
Et cela, le monde ne sait pas encore quoi en faire.
Tant mieux.